Cher lecteur, tu le sais peut-être : en Amérique du Nord, le crédit est roi. Sans crédit, tu n’es personne. Loin d’être stigmatisant socialement comme il peut l’être en France, le crédit est une forme de reconnaissance des capacités de gestion financière, un témoignage du savoir-faire en terme de provisionnement et de remboursement de ses dettes.
En tant que tel, il est donc réservé à une caste d’élus : les Canadiens évidemment, ainsi que les résidents permanents depuis plus de trois à six mois sur le territoire. Avant cela, pas de salut : il faudra retourner à un statut de mineur bancaire, privé de crédit et maintenu dans une demi-tutelle fait de cartes de débit qui, telle la carte Mosaic de tes 16 ans, te permettra de payer en personne et de retirer de l’argent, et c’est tout. Pas de crédit, pas de paiement à distance, pas d’achats sur Internet, rien. Tu auras donc tout intérêt à garder au moins une carte bancaire classique de ton pays d’origine le temps d’arriver aux trois mois fatidiques. [Aparté : on dénomme abusivement les cartes bancaires « cartes de crédit » en France, mais vraiment, ce n’est pas la même chose]
Arrivé.e à ce stade, il te faudra aller retirer un formulaire auprès de ta banque, laquelle transmettra ta demande à son organisme de crédit partenaire. Ton crédit ne dépend pas de tes comptes : c’est MasterCard ou Visa qui te prêtent directement les sommes dépensées. Et c’est à eux que tu rembourses tes dettes.
Certaines cartes de crédit sont payantes, notamment celles qui ont une assurance voyage (ha ! fini le temps de l’assurance voyage automatiquement comprise dans la Visa ou Mastercard la plus classique qui soit), mais d’autres sont gratuites. Et quand on connaît les frais des opérations bancaires dans le coin, c’est toujours un soulagement. [Ça vaut d’ailleurs son pesant de cacahuètes, les pratiques tarifaires des banques par ici…]
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Quel intérêt d’avoir une carte de crédit ? Celle-ci permet de construire un historique de crédit, véritable dossier de fiabilité personnelle consultable par de trop nombreuses organisations souhaitant vérifier la solvabilité du nouvel arrivant : du fournisseur d’électricité à l’opérateur de téléphonie mobile en passant par la régie immobilière, tout le monde peut consulter cet historique, et gare à qui n’a pas encore eu le temps de se constituer une référence positive en la matière. Ou une référence tout court, d’ailleurs : le malheureux se verra contraint de verser cautions de précaution à tour de bras, payant ainsi sa virginité bancaire en attendant de pouvoir, lui aussi, acheter à crédit.
En plus de garantir la bienséance du titulaire et de lui économiser des cautions intempestives, l’historique de crédit permet de voir grand, et d’obtenir plus facilement des prêts. On ne prête qu’aux riches, surtout s’ils ont déjà démontré qu’ils savaient rembourser leurs dettes. Bâtir un historique de crédit, c’est donc préparer son avenir financier, dettes remboursées après dettes remboursées. Il n’est pas impossible d’avoir un prêt sans celui-ci, évidemment, mais c’est plus dur. Ou il faut être plus riche à la base.
On peut acheter tout et n’importe quoi avec une carte de crédit : du café du coin à un billet d’avion en passant par sa ligne de téléphone… L’important étant de rester dans le seuil autorisé par l’organisme de crédit (pour nous, 1500 dollars). Peu habitués à ce système, nous réservons pour l’instant le crédit aux dépenses fixes et immuables, telle qu’Internet, et aux achats en ligne au Canada, peu fréquents. Quand on rembourse dans les temps, le score de crédit augmente. Il nous semble qu’il existe différents points accordés pour différents types de crédits (charges fixes, grosses dépenses ponctuelles…) mais la façon d’obtenir le meilleur historique de crédit possible reste encore floue.
EDIT pour clarification, car ce système n’est pas clair : le terme « crédit » est employé à mauvais escient (mais c’est le terme officiel). Ce serait plutôt des « achats en différés », le crédit ne s’appliquant qu’aux dépenses non remboursées avant échéance.
Ce n’est pas forcément de l’argent qu’on a déjà. On peut avoir 100 $ sur son compte courant mais dépenser 1500 dollars sur sa carte de crédit, qui sont avancés par MasterCard. Le tout est d’avoir l’argent à l’échéance, qui est fixe pour mieux s’organiser.
Le remboursement des dettes est obscur, lui aussi : sur 300 dollars dépensés ce mois-ci, nous ne devons en rembourser que 10. Pourquoi ? Mystère… Nous sommes néanmoins scrupuleux sur le remboursement du crédit, tout retard entraînant le déclenchement d’un véritable crédit au taux d’intérêt de près de 20 % (!) et la chute de notre cote de crédit. Ce serait dommage de se forcer à emprunter pour constituer un mauvais historique de crédit, n’est-ce pas ?
On en arrive donc à une conclusion un peu ubuesque : dans l’espoir qu’on nous prête de l’argent un jour, il faut emprunter pour emprunter, s’endetter pour le plaisir de montrer que l’on sait gérer son argent avec doigté. Vous comprendrez que nous ne sommes pas du tout convaincus par le système mais les choses étant ce qu’elles sont, nous avalons cette couleuvre absurde et nous constituons un petit historique de crédit dans l’éventualité où, un jour, nous voudrions devenir propriétaire.
Ça vous a plu ? Vous en voulez encore ?